Journée P.I du 22 avril 2006 à Bruxelles (extraits)
Texte de synthèse d'un groupe qui a travaillé sur les résistances au changement : le poids des autres, les résistances au changement, la légitimité
Nous avons fait une liste de ce qui en nous et chez d'autres pouvait faire résistance à pratiquer ou à voir pratiquer de la PI.
La voici :
- les différences par rapport aux habitudes
- le neuf qui fait peur
- l'inconnu
- l'insécurité
- le fait de ne pas tout maîtriser
- l'ébranlement de nos identités, professionnelle, d'adulte, autres(caractère etc…)
- la mise à nu de morceaux de nous ( par exemple, le rapport à l'autorité, les sanctions, le rapport à l'argent) et la peur de devoir aller trop loin dans le changement… se changer soi…perdre… qu'est-ce qu'on est prêt à perdre
- le fait que quelque chose vienne de quelqu'un d'autre et avec cela des jeux de pouvoir
- l'histoire de l'institution
- la peur de rater
- la peur du regard d'autres
- la peur d'avoir trop de travail
- une sorte de jalousie devant le désir qu'on déploie et que les autres voient
- la peur de l'exigence et de la rigueur
- l'imprévu… la PI c'est comme une porte ouverte sur tous les possibles si l'autre peut parler
- le fait d'être occupé avec soi ( surtout les jours où on est plus fatigué, plus fragile physiquement ou psychologiquement)
- le fait de ne jamais se sentir prête
- que la PI change trop sa propre vie
Et puis, nous nous sommes dit : sur quoi, de ce que nous connaissons de pratiques PI, pouvons-nous nous appuyer pour créer de la sécurité, pour nous, pour d'autres. Et nous avons refait une liste ( les listes, j'aime bien… ça permet à n'importe qui d'écrire et ça donne des idées)
- pouvoir choisir les moments pour entamer des choses plus insécurisantes
- savoir sur qui, sur quoi, sur quelles institutions on peut s'appuyer pour ne pas tout devoir sortir de soi
- le fait que le privé ne soit pas trop révélé
- s'appuyer sur des règles, des institutions
- multiplier les responsabilités même petites, dans les groupes
- écrire ce qui pèse
- être garanti par un tiers qui fait médiation. Par exemple un texte qui légitime ce qu'on fait : le projet d'établissement, le décret missions des enseignants.
Groupe de Nassira, Laurence et Noëlle
Puis suivent les textes personnels des membres de ce groupe :
Texte de Laurence L :
Je résiste, tu résistes, nous résistons ... au(x) changement(s)
Qu'est-ce qui dans mon expérience fait résistance soit en moi, soit autour de moi?
Dans le projet de mise en place d'une structure de participation au sein de l'école, je suis soutenue par la direction et critiquée par certains profs. Ce n'est pas évident d'avancer dans ce contexte, je me focalise sur l'intérêt que je porte aux élèves ... peut-être un peu trop? Mais je ne suis pas mandatée pour offrir un lieu de parole aux profs mais je n'ai probablement pas assez pris en compte leur questionnement, leur crainte de la nouveauté, leur malaise, leur logique relativement systématique d'opposition par rapport à un nouveau projet surtout s'il est avalisé par la direction ... ah le pouvoir, les jeux de pouvoir, les tentatives de prise de pouvoir ... ça résiste!
Le projet évolue bien, le cadre est respecté, ça avance lentement mais sûrement ... je me dis surtout vivement l'année prochaine, on a balisé le terrain cette année, on sera d'autant mieux lancé. Mais quelle énergie déployée, rien que pour l'organisation logistique, je ne suis jamais prête, ça me stresse, ça m'occupe l'esprit et ce n'est qu'une petite partie de mon travail.
Et puis je ne me sens pas toujours bien avec ces efforts fournis quand un prof me "harponne" pour un soi-disant mauvais choix d'horaire pour une réunion (par ex), encore moins quand un autre prof me "menace" d'utiliser le conseil pédagogique tout récemment créé pour empêcher la formation et les réunions des délégués pendant les heures de cours! mais au fait ... j'ai trouvé un tiers : le projet d'établissement.
Laurence
Texte de Noëlle :
Ce n'est pas évident de changer quelque chose dans un lieu de travail plein d'habitudes dont parfois on ne sait d'ailleurs même plus le sens. Ce n'est pas si évident de changer soi, de chaise, de point de vue, d'horizon, de représentation de son métier, de gestes, de réflexes, de paroles même… tous ces quelque chose, en soi, appris, construits, parfois depuis l'enfance.
Mes propres résistances à oser me risquer ( où va me mener cette PI ?!), mes pas pour y aller quand même… Avec envie et désir et besoin… d'appui
Les résistances d'autres qui regardent, jugent, sabotent même et la raideur des « on n'a jamais fait ça, on a toujours fait comme ça »
Mes pas pour y aller quand même. Avec envie et désir et besoin… d'appui.
Appui sur une histoire de 50 ans avec ses écrits, ses traces où je peux aller puiser
Appui sur ce que je vois comme effets chez des jeunes et des adultes qui se lèvent, prennent en mains, deviennent fiers d'eux et autonomes.
Appui sur des alliés avec qui je peux avancer, dans un épi ou ailleurs
Appui même sur les critiques d'autres en tentant d'imaginer quelle médiation pourrait faire éviter le duel. Quelle médiation ou quel retrait si nécessaire.
La résistance au changement peut se transformer en force de résistance !
Voilà que je viens de comprendre pourquoi on appelle résistance ce petit appareil que je peux mettre dans de l'eau et qui la fait chauffer, bouillir même.
Mais ça marche seulement s'il est relié à un fil et mis dans une prise.
C'est vrai pour moi, c'est vrai pour les jeunes et pour les adultes avec lesquels je travaille, ai travaillé. Besoin de fil, de prise… de terre même ! Construire les fils et la prise, les instituer… Toute une histoire qui allège du poids de soi et des autres.
Noëlle
Texte de Nassira
Je résiste, je résiste avec mes tripes.
Je change, je change avec ma tête.
Contre quoi je résiste? Pourquoi je change ?
La PI met le doigt, de manière indirecte, au travers d'institutions bien rodées, sur ce que je suis, sur comment je suis avec les autres.
Identité, être, échec, humaine trop humaine je suis.
Couleurs Jeunes me semblait si clair, si sécurisant... je dois couper un cordon invisible afin d'être plus détendue devant les imprévus, l'inconnu et le regard des autres.
Il n'y a pas concurrence, ni insécurité provenant de mes collègues ou de ma hiérarchie...
Il y a encore cette peur d'être ébranlée jusqu'où, jusqu'à quand. Parfois, je suis si fatiguée... Il y a encore ce conflit entre ce que je suis professionnellement et ce que je suis dans mes relations aux autres.
Serai-je en sécurité en avançant dans la PI... puisque celle-ci soigne le projet, les moyens afin d'être garante des êtres?
J'y crois un peu plus, après cette rencontre PI d'avril 2006, j'essayerai d'écrire mes peurs, de mettre à plat mes angoisses.
Je ferai plus confiance au pouvoir du regard de l'équipe.
Je me promets de réduire le fossé qu'il y a entre les identités qui font de moi Nassira B.
Je nommerai les moments, les temps pendant lesquels je suis ouverte, détendue devant le neuf, le différent, le déstabilisant.
Je serai lucide sur l'humble, très humble condition humaine tout en continuant à construire une personnalité complexe, parfois bancale certes... mais optimiste certainement...
N'est-ce pas un peu ce que la PI nous aide à faire?
Nasbel