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COLLECTIF EUROPEEN
D'EQUIPES DE PEDAGOGIE INSTITUTIONNELLE
date : 28 novembre 2006
mots-clés : droit, devoir, loi

La Loi de la classe

La législation est claire, le R.O.I. aussi : la présence au cours est obligatoire. Cette obligation est cependant paradoxale parce le brossage dans l'école est largement répandu et surtout parce que, si la présence physique est prescriptible, l'activité intellectuelle d'apprentissage, elle, ne l'est pas.
Alors que c'est la seule chose qui compte. C'est sur cette impossible obligation d'apprendre que voudrait statuer ce texte. D'autant que ce problème d'obligation impossible vaut évidemment pour tout l'enseignement. Notre position à ce sujet dans une formation pédagogique est donc nécessairement aussi (dé)formatrice pour de futurs enseignants. Nous exigeons et exigerons la participation de chacun et de tous à chacune et à toutes les activités prévues dans notre programme de formation (sauf dispense légale).

Cette position s'appuie sur deux principes éthiques contradictoires et sur une conviction pédagogique. Le premier principe est une évidence qu'il est bon de rappeler : on est à l'école pour apprendre. Autant les apprenants ont le devoir de tout mettre en œuvre pour apprendre, et donc aussi le droit de se tromper, autant les enseignants ont le devoir de tout mettre en œuvre pour que les apprenants apprennent. Ce qui implique pour tout enseignant la nécessité de croire en l'éducabilité de chacun (« tous capables » d'apprendre et de progresser). Ce premier et unique devoir, l'obligation d'enseigner et d'apprendre, justifie l'obligation d'assister aux cours, pour autant, et la nuance est importante, que ce soit au cours et non ailleurs que l'apprentissage soit le plus efficace, la formation la plus efficiente.

Cette réserve rejoint notre conviction pédagogique, valable pour toutes les pédagogies actives, qui peut se résumer à la citation suivante :

 

« Personne ne se (trans)forme seul,
personne ne (trans)forme autrui,
c'est ensemble qu'on se (trans)forme.
 »   (Paolo FREIRE)

Et bien sûr, si c'est ensemble qu'on se forme, on a besoin des autres pour se former et les autres ont besoin de nous. Nous avons besoin pour apprendre non seulement de la présence physique des autres, mais aussi et surtout de leur implication dans le travail, comme les autres ont besoin de notre propre implication. Chaque absent manque aux autres. C'est celaqui justifie l'obligation déclarée de participation effective aux activités et notre exigence à ce propos. Nous exigeons et exigerons donc la coopération dans la formation. De là la première Loi de la classe :

Ici, chacun est tenu de s'impliquer dans le travail
pour se (trans)former et pour contribuer à
la (trans)formation des autres.

Cependant personne ne peut exiger l'implication personnelle de personne. Car nul n'en a le droit ni la capacité : l'implication personnelle, l'usage de soi pour soi et pour les autres n'est et ne peut être que le fait du sujet lui-même. La démarche de connaissance est et restera toujours une démarche de liberté. Cela exige donc de reconnaître que paradoxalement le devoir d'implication et de travail doit obligatoirement s'accompagner du droit de librement s'engager ou non. Chacun est sujet de son histoire, sujet libre de dire oui ou de dire non à notre exigence de participation, d'implication et de travail. Ceci induit la deuxième Loi de la classe :

Ici, nul ne peut être considéré comme objet,
pas même objet de formation ; chacun est sujet à part entière,
chacun a donc le droit de s'engager ou de marquer son refus.

Bien sûr, cette deuxième loi est totalement contradictoire avec la première Loi. Chacun a le droit de marquer son refus alors que chacun a le devoir de s'impliquer pour participer à la formation commune. Il y a donc deux types de manquements : le manquement qui n'engage que le sujet lui-même, sans préjudice pour le travail des autres et le manquement qui engage le groupe, car il est préjudiciable au travail des autres. Ces deux types de manquements supposent un traitement différent.
En vertu de la première Loi : chacun est tenu de participer activement, toute absence, tout retrait seront considérés comme une infraction devant faire l'objet d'une sanction. Mais en vertu du deuxième principe, chacun est sujet, toute absence, tout retrait seront considérés comme l'expression de la liberté inaliénable du sujet.
Chaque manquement (absence ou retrait répété non justifié) sera considéré à la fois comme infraction et comme manifestation d'autonomie. Chaque absence apparaîtra dans le registre des présences, complété chaque demi-journée. Une absence peut être négligence, manque d'exigence par rapport à soi-même sans aucun préjudice pour les autres ; il vaudra alors un rappel du devoir d'apprendre, une amende, au pire une sanction par la Direction en vertu de l'obligation administrative. Par contre, s'il est préjudiciable aux autres, il demande réparation.

 

Mais un manquement peut signifier tout autre chose : un écart trop grand entre les capacités, les dispositions de l'apprenant et les activités qui lui sont demandées. Cela mérite discussion et éventuel aménagement.
Enfin un manquement peut être transgression volontaire, remise en cause des règles au nom des finalités poursuivies. Le manquement veut dénoncer l'écart entre les moyens et leur mise en œuvre d'une part, et les objectifs déclarés d'autre part, car chacun peut remettre en cause le fonctionnement. Ceci demande encore plus discussion et aménagement éventuel, tout en reconnaissant au transgresseur un dernier droit, celui de refuser de justifier son manquement.
En résumé, par principes, chacun a le devoir de dire « oui » et le droit de dire « non ».
 
Jacques Cornet, Claudine Kefer et Marie Pirenne 30/09/06
avec un merci spécial à Noëlle de Smet et Irène Laborde pour leur éclairage/ré-aiguillage.



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