LA MONOGRAPHIE, nouvelle norme ?
La mono reste le seul outil mais ATTENTION DANGER : il y a peut-être un risque de dégénérescence de la mono, en pi
La pauvre instit, dévouée et compétente, s'évertue à prendre consciencieusement des notes, à sortir la tête de la boue des contraintes quotidiennes et à mettre en ordre et à relater ce qui s'est passé. Puis, le grand prêtre -ou la grande prêtresse- intervient ensuite en majesté et délivre la Vérité de la Parole analytique, inaccessible aux ignares praticiens …
C'est problématique car il n'y a pas un rapport d'égalité :
Où est le respect dans cette pi qui se veut pourtant porteuse du travail des praticiens ?
On a l'impression que "l'initié(e) de service" vient interpréter, en fait, les manques de l'instit qui, quand même, s'autorise à dire : « j'ai fait ça parce que » ; elle est mise en position de se justifier ; comme elle est au charbon, elle n'a pas la distance d'emblée qui soi-disant garantit l'approche objective ; il faut donc qu'elle justifie ce qu'elle a fait et comment elle l'a fait. Mais elle n'a pas accès au Savoir, le seul, le vrai, le pur, l'unique : l'interprétation analytique qui fait de vous l'Initié !
De plus, la mono présentée par l'instit est interprétée et signée par "le psy", le grand ponte qui apparaît l'auteur de la mono. C'est personnellement et politiquement insupportable.
Ce qui est grave, dans ce cas de figure, c'est que la psychanalyse n'est pas propriété intérieure des instits parce leur champ à eux est d'affronter la réalité quotidienne du turbin scolaire et ce qui les met donc en position de non-analyste . Car l'analyste, n'est-ce pas, est dans la neutralité bienveillante, à l'écart des contingences tandis qu'eux sont dedans jusqu'au cou ! C'est pour ça que la mono, telle que nous la concevons au Ce.épi, est fondamentale en ce qu'elle permet de redistribuer les rôles, dans un moment préservé qui fait coupure comme la séance analytique. Un peu comme un contrôle dans la formation des psychanalystes en somme.
Il faudra expliciter, collectivement et pour chaque praticien qui s'y lance, à quoi répondce travail dans la PI et au Ce.épi. Faire partie des initiés ou accéder de l'intérieur à l'essence de la PI ? C'est un enjeu essentiel de la PI. Nous y reviendrons.
Nous n'avons pas lu beaucoup de livres ni de monos. Cependant, à lire certains ouvrages, comment ne pas avoir le sentiment d'une répétition, l'impression de lire toujours la même chose, avec le même style. Je peux sauter à la dernière ligne, je connais par avance l'histoire, son dénouement et son interprétation... Difficile de retenir quelque chose.
C'est parfois du pareil au même, dans le fond comme dans la forme et l'instit de base semble toujours être la bonne fourmi.
Au fait, comment se fait-il que lorsque Françoise DOLTO -il y en a d'autres- parle de sa pratique, de cas, nous accrochions. Nous apprenons; pourquoi ?
Peut-être parce qu'alors, elle relate ce qu'elle a fait, elle même, en tant que psy. Elle enseigne, peut-être parce qu'elle prend des risques en assumant sa propre parole « moi je pense ça, vous pouvez pensez autrement ». Elle ne pose pas implicitement une Norme dont la mono prouverait qu'il n'y a rien d'autre. Elle ne veut pas démontrer que la psychanalyse ou sa vision des choses sont justes, irremplaçables, uniques.
Y a-t-il pire ridicule , en effet, que celui qui croit savoir ce qui s'est passé, car on se trompe tout le temps ! Alors, autant partir dans une fiction, une narration ; «ça parle » ; style "Le petit Prince"
par exemple : "quand je regarde les blés, je te pense" mais ne pas dire : "les blés c'est toi" !
Evoquer, donner à penser. C'est ça la PI pour nous.
Si tu écris juste et que tu parviens à l'écrire, ça va causer beaucoup plus que si tu écris la réalité objective avec sa conclusion démonstrative qui n'est souvent qu'une vague interprétation un peu convenue, attendue. .Car chacun met sa propre vérité là dedans, il n'y a personne qui Sait. En fait c'est comme la poésie : tu ne sais pas ce que l'auteur y mettait. Toi tu y mets du tien , ton voisin y met du sien, chacun son histoire, sa vérité, ce qui lui parle; ça ouvre au lieu de clore et, ainsi, ça te donne une place.
Au lieu que ce texte soit exhaustif et objectif, ce récit te donne une place. N'est-ce pas là le cœur de la PI ?
"La poésie n'est pas une solitude ; ce serait bien plutôt le politique en son origine : à la fois la fondation du groupe social et la dissipation des utopies qui pourrait leurrer celui-ci. (Yves Bonnefoy Le Monde Juin 06)
Françoise et Michel EXERTIER
(1) Ainsi, la mono Cédric (parue dans Faits et Gestes, revue de la PI) n'est pas la mono de Françoise DOLTO mais de Françoise EXERTIER. Et pourtant F.DOLTO y a travaillé un an, un samedi par mois.