voici où j'en suis aujourd'hui.
Un temps pour écrire. Certains démarrent facilement, d'autres calent. Je les laisse rêvasser, prendre le temps. Si j'observe que ça cale vraiment, je vais discrètement dire un mot d'encouragement. Si l'élève dit qu'il ne désire pas écrire (pas d'idées, pas envie…), je propose d'écrire un texte qui dit ça, qui explique ce qu'il vient de me dire. En général tous arrivent à s'y mettre.
Ils écrivent avec dictionnaire et Bescherelle, et mes encouragements appuyés à y avoir recours. Ce n'est pas facile pour eux de gérer l'écriture et l'attention à l'orthographe. Ensuite, chacun vient chez moi pour un « toilettage » : je souligne des erreurs que je leur demande de corriger avec les outils, le nombre de corrections demandées varie selon leur niveau en orthographe : pour les plus faibles, je corrige beaucoup moi-même. Après ce travail de correction, ils se rendent à la bibliothèque pour taper leur texte et l'imprimer.
Ensuite, nous procédons à la lecture et au choix de texte. Chacun lit son texte, après que nous nous soyons redit les règles de respect dans la classe :
J'écoute et je regarde celui qui parle ;
Je ne me moque pas, je ne ris pas (même pour autre chose) ;
Je ne bavarde pas, je ne chipote pas ;
Je ne fais pas de commentaire sur ce qui est lu ;
Je ne raconte pas ce qui est dit hors de la classe.
Ensuite nous procédons au vote sur papier. Le texte élu est photocopié pour chacun et un extrait est l'objet de la dictée préparée hebdomadaire.
Tous capables : tous sont capables d'écrire leur texte, même Raquel qui, arrivée du Portugal en cours d'année, a pu écrire en se faisant aider par Chaïma. Tous les autres ont écrit seuls.
Avec ce texte libre, chacun dit quelque chose de lui. Certains textes sont très personnels : ils racontent l'histoire de l'élève. D'autre sont imaginaires ou événementiels et ils disent aussi quelque chose de l'élève. Si le texte semble impersonnel, il dit que l'élève ne désire pas parler de lui, donc il dit encore quelque chose de cet élève. A respecter, à entendre.
Avec le texte libre, chacun prend la parole, prend sa parole. Chacun prend une place, sa place dans la classe.
Le moment de la lecture est intense : ils adorent entendre les textes. Et moi, quand j'entends cette mosaïque de morceaux d'histoires, je suis touchée, c'est comme un cadeau que je reçois. Ça me passionne. Je me sens nourrie.
Après le premier texte, plusieurs ont fait « une espèce de rebond » sur le texte d'un autre. En soi, ça ne gêne pas. Kelvin avait écrit sur la formule 1 : pilotes célèbres, descriptions des moteurs etc. Dans son texte suivant, Dylan a raconté l'histoire de Kelvin, qui réalise le rêve de sa vie, devenir pilote de formule 1, jusque là, pas de problème. Mais le texte se termine sur la mort accidentelle de Kelvin pendant un grand prix. Comme je lis les textes pour correction avant qu'ils ne soient « publics », j'ai mis mon veto. J'ai dit qu'il fallait changer l'histoire ou le nom, qu'on ne pouvait pas faire mourir quelqu'un de la classe dans un texte.
Donc je me dis que je dois introduire la règle « je ne mets pas de personnes de l'école dans mon texte ». Or, Sengül par exemple avait cité Samantha dans son texte pour décrire la merveilleuse amitié qui les lie cette année. Ça ne m'avait pas gênée.
Alors quels critères précis déterminer ?
Est-ce que c'est différent s'il s'agit d'un texte de fiction ou non ?
Et si Kelvin avait été vainqueur sain et sauf du Grand Prix ? Je ne pense pas que j'aurais réagi.
Est-ce que ça a plutôt à voir avec le tabou de la mort ?
Ou avec les choses négatives qui nous arrivent ?
Je ne suis pas encore au clair avec cette règle.
Difficulté aussi avec le vote de « copinage », en particulier pour le texte du caïd de la classe. Ça m'énerve de voir élire un texte de « n'importe quoi » à mes yeux. Je sens que je suis moins motivée pour travailler ensuite à partir de ce texte.
Bon, tout cela me paraît bien ambitieux, il va falloir que je détermine mes priorités pour ne pas me perdre en cours de route…
Geneviève, mai 07