Un groupe-sujet (une invention de JP Sartre, interprétée par Félix Guattari, est un groupe dont l'institutionnalisation est suffisamment fluide et non-hiérarchique pour ne pas figer sa vie intérieure dans des rites et des conventions[ Il peut ainsi déceler hors de lui les signes de ce qui est vivant dans la société, sous la chape des hiérarchies et des conformismes, et capter l'énergie de ces forces sous-jacentes, voire inconscientes, qui composent la subjectivité d'une société mondiale. La subjectivité n'appartient à aucun groupe désigné par ses fonctions. Elle est aussi imprévue, fragile et efficace que la vie même. Lorsqu'on n'a pas la puissance instituée, on peut avoir la force de perception et d'interprétation. (Wikipédia : écosophie)
Les groupes assujettis ne le sont pas moins dans les maîtres qu'ils se donnent ou qu'ils acceptent, que dans leurs masses ; la hiérarchie, l'organisation verticale ou pyramidale qui les caractérise est faite pour conjurer toute inscription possible de non-sens, de mort ou d'éclatement, pour empêcher le développement des coupures créatrices, pour assurer les mécanismes d'autoconservation fondés sur l'exclusion des autres groupes ; leur centralisme opère par structuration, totalisation, unification, substituant aux conditions d'une véritable “énonciation” collective un agencement d'énoncés stéréotypés coupés à la fois du réel et de la subjectivité (c'est là que se produisent les phénomènes imaginaires d'œdipianisation, de surmoïsation et de castration de groupe).
Les groupes-sujets au contraire se définissent par des coefficients de transversalité, qui conjurent les totalités et hiérarchies ; ils sont agents d'énonciation, supports de désir, éléments de création institutionnelle ; à travers leur pratique, ils ne cessent de se confronter à la limite de leur propre non-sens, de leur propre mort ou rupture. Encore s'agit-il moins de deux sortes de groupes que de deux versants de l'institution, puisqu'un groupe-sujet risque toujours de se laisser assujettir, dans une crispation paranoïaque où il veut à tout prix se maintenir et s'éterniser comme sujet ; inversement, “un parti, autrefois révolutionnaire et maintenant plus ou moins assujetti à l'ordre dominant, peut encore occuper aux yeux des masses la place laissée vide du sujet de l'histoire, devenir comme malgré lui le porte-parole d'un discours qui n'est pas le sien, quitte à le trahir lorsque l'évolution du rapport de forces entraîne un retour à la normale : il n'en conserve pas moins comme involontairement une potentialité de coupure subjective qu'une transformation du contexte pourra révéler”. Il est vrai que si le problème des fonctions de groupe n'est pas posé dès le début, il sera trop tard ensuite. Combien de groupuscules qui n'animent encore que des masses fantômes ont déjà une structure d'assujettissement, avec direction, courroie de transmission, base, qui reproduisent dans le vide les erreurs et perversions qu'ils combattent (…)
Le problème reste celui du désir ou de la subjectivité inconsciente : comment un groupe peut-il porter son propre désir, le mettre en connexion avec les désirs d'autres groupes et les désirs de masse, produire les énoncés créateurs correspondants et constituer les conditions, non pas de leur unification, mais d'une multiplication propice à des énoncés en rupture ? La méconnaissance et la répression des phénomènes de désir inspirent les structures d'assujettissement et de bureaucratisation, le style militant fait d'amour haineux qui décide d'un certain nombre d'énoncés dominants exclusifs".
Gilles Deleuze ( Psychanalyse et transversalité, Essais d'analyse institutionnelle de FG, 1974.