Écrivain et pédagogue, il fraya de nouvelles voies à la science de l'éducation.
Né en 1888 en Ukraine, et devenu très tôt instituteur, il poursuivit sa formation à l'Institut pédagogique de Poltava.
La Révolution d'Octobre lui donna l'occasion de concrétiser les idées sur un nouveau système d'éducation que ses lectures des ouvrages de la pédagogie russe et mondiale avaient fait naître en lui.
Dans un contexte économique désorganisé qui entraîna des famines dans de nombreuses régions du pays, les enfants abandonnés devinrent une calamité nationale. On ouvrit des maisons et des colonies d'éducation spécialement organisées pour eux.
En 1920, Makarenko organisa près de Poltava une colonie pour des enfants abandonnés et pour de jeunes délinquants. Il la dirigea jusqu'en 1928. Sur sa proposition, la colonie fut baptisée du nom de Gorki.
Makarenko qui avait affaire à des enfants très difficiles, élabora de nouveaux principes d'éducation qui furent par la suite largement utilisés. Le directeur de la colonie rejeta la formule traditionnelle ramenant le processus pédagogique à l'interaction de deux personnes : l'instituteur qui éduque et l'élève qui fait l'objet de son éducation. Makarenko arriva à la conclusion qu'une importance primordiale dans la formation de la personnalité revient à la collectivité composée de pédagogues, de pupilles et dirigée par un homme d'autorité.
La vie de la colonie était organisée de façon que chaque pupille ne se sente pas l'objet passif d'une éducation, mais un membre actif de la collectivité, disposant des mêmes droits que les autres responsables du destin et de l'honneur de cette collectivité (lire : Une pédagogie de galonnés). Dans son système d'éducation, Makarenko consacrait une importance décisive au travail productif associé à l'enseignement scolaire. Le résultat fut la métamorphose de cette foule d'enfants indisciplinés, habitués à vivre selon la loi du plus fort.
« Ce ne sont pas les hommes qui ont des défauts, mais leurs rapports entre eux ». Cette brève formule tirée des cahiers de Makarenko pour Poème pédagogique est très importante si l'on veut comprendre la pensée qui a présidé à son œuvre. L'écrivain déclare qu'il est indispensable de transformer l'homme dans des conditions de rapports réellement humains, des conditions de camaraderie, d'amitié et de collectivisme.
Pour témoigner de la réussite de son expérience remarquable, on peut citer la vie de centaines de ses élèves devenus citoyens ainsi qu'il l'écrit dans une de ses lettres : « Beaucoup d'anciens membres de la commune viennent me voir… ils ont tous suivi le droit chemin, et ma conscience est en paix ». Ceux qui ont lu le Poème pédagogique seront sans doute heureux de savoir, par exemple, que l'incorrigible Bouroun est devenu lieutenant de l'Armée Soviétique, qu'il a combattu contre les nazis pendant la seconde guerre mondiale, que Zadorov, ancien pupille de la colonie est devenu ingénieur hydrologue, Verchnev, médecin, Ivan Tkatchouk et Klava Borissenko, acteurs. L'un des héros du Poème pédagogique, Sémion Karabanov, a suivi la voie de son maître : il est devenu instituteur et dirigea une maison d'enfants située non loin de Moscou. Ce ne sont pas là des exceptions. Les élèves de Makarenko continuèrent dignement le travail commencé par leur maître.
Dans l'épilogue de Poème pédagogique, Makarenko constate bien des années plus tard :
« (…) Comme jadis, des incidents variés se produisent : il arrive que les caractères se hérissent, et parfois, comme dans une ruche, la collectivité se porte avec un bourdonnement alarmé sur le point menacé. Et la pédagogie reste toujours une science ardue et subtile.
Mais c'est déjà plus aisé. Mon premier et lointain, si lointain jour de Gorki, plein de honte et d'impuissance, me semble à présent un tout petit tableau dans l'étroit cadre de verre d'un panorama de fête. (texte : Les débuts inglorieux de la colonie Gorki) Le travail est plus facile. Déjà en beaucoup de points de l'Union Soviétique, s'est constitué le ferme réseau d'une œuvre pédagogique, et le Parti porte les derniers coups aux derniers nids de l'enfance malheureuse et démoralisée ».
Extraits de la Préface d'Evguéni Balabanovitch
au tome 1, Poème pédagogique,
des Œuvres en trois volumes d'Anton MAKARENKO
Imprimé en Union Soviétique, Copyright les Editions du Progrès, Moscou, 1967
Paradoxalement, Poème pédagogique se termine par cette phrase :
« Et peut-être très prochainement cessera-t-on chez nous de composer des « poèmes pédagogiques », pour écrire une simple et pratique Méthode de l'éducation communiste ».