Lors des commandes de septembre, j'ai commandé un calendrier perpétuel des incollables avec un mot par jour, son illustration, sa définition et une devinette. Je ne savais pas trop quoi en faire, il était posé sur mon bureau. En sortant de classe et en venant au bureau les élèves le feuilletaient et le mettaient à jour régulièrement. Certains me questionnaient sur les mots.
Lors d'un conseil, W. a demandé que je lise le mot chaque jour avec sa définition. Nous avons décidé de le faire juste avant la phrase du jour. C'est vite devenu un rituel. Au début j'avais tendance à oublier et à passer directement à la phrase du jour mais W. m'amenait le calendrier à chaque fois. On a découvert plein de mots différents qui petit à petit ont été réutilisés par certains, quelques fois avec humour. Je me souviens de T., un jour où son ventre dépassait largement de son tee-shirt, disant « mince, on voit ma bedaine ! ». L. aussi en rentrant de récréation après un match de foot qui dit « je suis fourbu ». Moi-même après la énième réclamation de S. de la journée, je me surprends à lui dire, « je suis hermétique à ce que tu me dis ». Elle a souri, les autres aussi. Tous ces mots apparaissent maintenant comme un lexique commun à la classe.
Au dernier conseil, A. a proposé de noter les mots et leur définition afin qu'on puisse s'en souvenir car « on a appris plein de mots mais il y en a plein que j'ai oublié ». Tout le monde était d'accord. J'ai donc placé dans l'emploi du temps ce fameux mot du jour à un autre moment, en début d'après midi avant le travail personnel. J'écris d'abord le mot au tableau, ils essaient de le définir. Je lis la définition et explique puis je montre l'illustration. Ensuite je lis la devinette. On cherche des synonymes et on écrit le tout sur une feuille de classeur les uns à la suite des autres comme mémoire.
Cette activité s'est construite progressivement grâce aux élèves. J'avais ce calendrier et ce sont eux qui m'ont trouvé le moyen de l'utiliser. Ils se le sont approprié. J'aime beaucoup cette idée !
- Quel genre de question les élèves posent-ils sur les mots ?
- Le calendrier est là, près de l'entrée. Ils lisaient. « Ça veut dire quoi maîtresse ce mot ? »
- W. a-t-elle une affinité particulière avec les mots ou est-ce une découverte ?
- Non, je ne sais pas pourquoi. Elle a toujours le calendrier dans la main.
- « J'ai commandé » Pourquoi ?
- Je voulais faire "la phrase du jour" que j'avais vue dans la classe de Cécile P. et travailler autour du vocabulaire.
- Et tu ne l'utilisais pas pour le moment ?
- Non. Mais c'est eux qui se le sont appropriés.
- Tous ?
- Plein. Pas un seul n'a refusé. Ça intéresse globalement tout le monde.
- Qu'est-ce que vous écrivez ?
- Le titre, le mot du jour, une définition courte.
- Est-ce qu'ils ont besoin d'écrire pour s'en souvenir ? A. avait-il déjà posé ce genre de question ?
- Des mots l'intéressaient mais il les « perdait ».
- Comment est venu le mot « fourbu » ?
- On l'avait vu le matin même. C'est lui qui avait trouvé le synonyme : « épuisé ».
- Ont-ils conscience de la notion de registre de langue ?
- T. a un langage très familier mais ce qu'il aime c'est avoir un mot pour exprimer les choses autrement.
- A. a-t-il un rôle particulier, un métier concernant le mot du jour ?
- Non.
- Avez-vous une bonne collection de mots ?
- 5 mots écrits. C'est tout nouveau.
- Est-ce la première fois qu'il y a quelque chose de l'ordre de la culture commune ?
- Cette année, les élèves de la classe sont plutôt individualistes. C'est pour l'instant une des seules entrées où il y a un échange commun.
- Y a-t-il eu quelqu'un pour dire : on ne parle pas comme ça ?
- Non.
- Est-ce toujours sur le mode de l'humour ?
- Pour le moment, c'est un jeu. Quand ils emploient ces mots, ça les amuse.
- Y a-t-il d'autres rituels ?
- Oui, la phrase du jour.
- W. prend le calendrier à chaque fois. Est-ce un métier ?
- Non. Pourtant elle l'avait proposé au conseil. Mais pour un si court trajet, de la porte au bureau, sa proposition n'a pas été retenue.
- Il faut tourner les pages, montrer le calendrier à tous. Ça pourrait être un chouette métier non ? Qui le fait pour le moment ? Toi ?
- Oui.
- As-tu envisagé des suites à ce rituel ?
- Non. J'ai peur de le rendre trop scolaire. Pour le moment, on en reste là. Je ne veux rien imposer. Ce rituel est issu d'une proposition au conseil et ça marche. On verra.
- Ca fait cohésion du groupe, il y a de la complicité, de la coopération. C'est précieux.
Epirénées, texte de Sandrine Pelard, le 6/03/12