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La monnaie

Le texte élu de novembre 2011 :

La valeur de la monnaie

La monnaie dans la classe a toujours été pour moi une institution capitale. Depuis plus de vingt ans, elle fait partie de mon fonctionnement de classe.
Le dernier stage à Chaingy et les échanges d'expériences autour de ce thème m'ont encore donné à réfléchir à ce sujet.

D'abord, me positionner : quelle est pour moi la raison principale de la mise en place de la monnaie dans la classe ?

• Impliquer les élèves dans le fonctionnement de la classe : idée force du désir qui taraude tout praticien PI. Etre payé pour ce qu'on fait. Payer également pour ses actes. (Voir à ce propos ce que dit Françoise Dolto sur la monnaie)

• Trouver un moyen de tirer un trait sur les punitions, une bonne fois pour toutes : j'étais très mal à l'aise d'avoir à donner des punitions aux élèves en début de carrière. Question d'éthique sûrement. La punition (comme la notation), me semble totalement anti pédagogique. Il me fallait me dégager de ça. Depuis que la monnaie est instituée, la punition ne fait plus partie de mes préoccupations quotidiennes. (Lire Eirick Prairat : Sanction et Socialisation)

• Faire de la classe un milieu éducatif (Laffitte): c'est-à-dire, proposer aux élèves une trame dans la classe permettant d'apprendre, en l'occurrence à compter.

• Mais surtout, c'est l'aspect ludique de la monnaie qui me plait : c'est amusant. Et sans monnaie, pas de marché. Or le marché est le lieu d'échange par excellence, lieu dont tous les élèves de mes classes se souviennent, longtemps après, comme un moment magique. Les adultes qui ont assisté au Marché dans la classe ont toujours dit que c'était leur moment préféré, une vacuole indispensable à la vie de la classe cheminant vers la coopération.

Et c'est toute la différence avec les bons points : les bons points gratifient un individu pour un bon comportement, une bonne action, une bonne note. La monnaie sanctionne un travail et sert à alimenter le Marché de la classe. On l'échange à ce moment là : on paye en monnaie de singe certes, mais avec tout l'engagement qui fait l'intérêt d'un vrai jeu pris au sérieux. Et quand on fait ses comptes, parfois on arrive à multiplier des nombres entre eux alors qu'en numération, c'était tellement abstrait qu'on n'y comprenait rien.

D'autres questions sont à venir :

- Quel nom lui donner à cette monnaie ? (toujours des souvenirs du stage, d'une discussion avec P. Jubin) L'importance du nom pour incarner, pour rendre concret. Cette année ce sera : Le Cantelor.

- Que payer ? Comment ne pas se laisser emporter par la logique marchande ? Travailler plus pour gagner plus...

Que payent-ils eux, les élèves ? Comment intégrer le fait qu'un manquement à la règle puisse faire l'objet d'une amende et que ça ait du poids ?
Et bien d'autres encore…

Vincent Bordeneuve, Epirénées, 11 octobre 2011

Questionnement du texte par les collègues de l'épirénées (après le Choix de Texte) :

Comment se présentent les Cantelors ?

Une banque, des portemonnaies pour chaque élève, des billets de banque de différentes tailles, de différentes couleurs.

Comment gagner la monnaie ?

La sanction doit permettre une coupure par rapport aux actes posés. La punition ne règle rien du tout. Les amendes sont payées en Conseil. La fonction symbolique est plus forte que l'écrit d'une punition.

Comment recevoir de la monnaie ?

- La classe paye : le 5/5 (5 mots par jour), les phrases du jour (autodictée), l'imprimerie, les fiches de lecture, les fiches de maths, les textes libres, des bonus (des aides dans la journée).

- Les élèves payent : le manquement aux règles, le petit matériel prêté en classe (nouveau).

A quel moment se passent les comptes ?

Le vendredi après-midi, durée : 20 min.  puis ça passera à 10min.. Contrôle avec le banquier.

Le maître est payé ou pas ?

Moi je suis payé pour de vrai (en euros)! C'est clair entre eux et moi. Je n'estime pas avoir de ce point de vue là, la même place qu'eux.

Paiement du 5/5, des phrases… Qu'est-ce que tu fais des difficultés des élèves (dysorthographie…) ?

En Période 2, mise en place de ceintures de 5/5 (pour adapter au plus juste). Amendes plus fortes pour les grands en comportement, (en fonction des couleurs de ceintures de comportement).

Tu ne peux pas être sanctionné… Ca n'est pas injuste ?

Ils peuvent me critiquer au conseil…

Un élève qui ne travaille pas en plus, qui prend des amendes… Comment tu fais ?

Les dettes, ça arrive ! la monnaie peut également provoquer certains problèmes : le vol, la thésaurisation, les pertes, les erreurs de comptes… Ces problèmes permettent de donner du grain à moudre au Conseil.

Le marché, ça marche comment ?

Règle : un objet fabriqué, (pas acheté dans un magasin), et (en général) pas sur le temps de classe. On peut se faire aider par les grands frères, les grandes sœurs, les parents, les grands-parents, les oncles et tantes, qui on veut.

Ca règle vraiment les choses, par rapport à des punitions ? Tu as vérifié ça par l'expérience ?

Pas que la monnaie ! Il y a aussi le Conseil… Ce n'est pas pour la sanction, la monnaie… C'est une valeur symbolique qui circule dans la classe. C'est comme vendre un journal, c'est une valeur d'échange.

Est-on obligé d'apporter un objet au marché ?

Oui. S'il n'y a pas d'objets, le marché n'existe plus.

1 commentaire

le 31 janvier 2012, à 17:18

Merci pour ce texte, j'aime sa vivacité, sa manière d'aller vite à l'essentiel,les questions qu'il a suscitées dans le groupe et cette question qui me paraît si pertinente: " Que paient - ils eux les élèves"?
Cette dimension du paiement symbolique est bien au cœur de cette histoire de monnaie.Une belle médiation pour éviter les transferts positifs et négatifs (je travaille bien pour faire plaisir au maître, je suis puni, le maître ne m'aime pas etc etc)

Un très bel écho du travail d'un groupe, merci à tous.

Claire C.

clairec