Nous avons assisté ce mercredi 26 janvier, dans une grande ville universitaire, à une conférence pédagogique bien singulière donnée par G. C. et qui avait pour titre « Réussir en ZEP ».
Après une quinzaine de minutes dédiées à la présentation du stand RETZ et de ses ouvrages en vente, le conférencier chercheur a établi le constat du malaise que subissaient les écoles classées ZEP aux vues des faibles pourcentages de réussite aux évaluations CE2 et 6ème : près de trente points en dessous des moyennes nationales.
Il nous a été dit, pêle-mêle, que si ces résultats étaient si « bas » (« mauvais » même dans certains cas) cela pouvait être dû à des facteurs liés aux méthodes employées : pas assez de combinatoire, trop de méthodes liées à la sémantique, trop de « tout et de n'importe quoi » et de nous proposer sa méthode, qui elle avait fait ses preuves.
Un peu comme une nouvelle lessive.
Le public voulait bien. D'accord. On savait ça déjà. Tu la connais toi la méthode ?
Nous avons ensuite appris que dans les milieux « bourgeois », la discipline était beaucoup plus facile et que ces « petits bourgeois » très dociles apprenaient très bien ainsi, alors que les enfants des milieux « populaires » eux ne supportaient pas l'autorité de la même manière et qu'ils avaient donc besoin de plus de « chaleur humaine » (pourcentage à l'appui ?)
Nos amis bourgeois apprécieront…
Mais rien sur l'environnement, élément constitutif de la construction de l'identité, rien sur ces ghettos, sur ces cages à lapins agressives comme de l'électricité nue où les livres ne circulent pas, où la bibliothèque a les vitres brisées et nique la police en gros sur sa devanture comme sur le mur de l'école, où des parents qui ne savent pas lire ne pourront pas raconter l'école à leurs enfants, ni la méthode, ni le reste. Héritiers disait Bourdieu. Ici, l'école n'a pas d'histoire…
Puis l'on nous a parlé d'éthique réduite à la seule loi d'orientation qui définit des objectifs identiques à tous les élèves de la République et qui voudrait (la dite éthique) que tous nos élèves de ZEP dépassent les 75% de réussite (minimum) aux compétences de base en français et mathématique.
Mais rien sur l'ex-sistence du sujet (pour citer Francis Imbert sur la question de l'éthique), sur le devenir de la parole qui délie et qui construit le sujet, rien sur cette discrimination sociale qui consiste à stigmatiser les enfants et les écoles en fonction de ces satanées évaluations nationales qu'on brandit comme des épées à chaque fois qu'on veut avoir raison, ces statistiques qui ne tendent qu'à massifier, uniformiser, rendre conforme… Rien. L'école peut si elle veut. Elle n'a pas à tenir compte de l'environnement social.
Sur l'éthique, on n'a pas bronché. C'est la Loi nous a-t-on dit, les objectifs sont dans la loi d'orientation.
Il nous a été donné en exemple ces douze écoles de ZEP où les résultats aux évaluations CE2 sont meilleurs qu'ailleurs parce que les enseignants sont plus investis, plus soudés, plus stables et qu'ils font plus de français et de maths, beaucoup plus, tout le temps (même si il ne fallait pas oublier quelques activités qui font « plaisir » aux enfants (un peu de sport tout de même et du dessin...)
Mais rien sur le désir ; rien sur le fait qu'ici, en ZEP, la question première reste pour beaucoup d'enfants la question du désir (d'aller à l'école, d'y rester, de lire, d'écrire, d'apprendre, de s'engager)
Il nous a été dit qu'il fallait adopter une attitude positive vis-à-vis de ces quartiers « pas si horribles que ça », « pas si dangereux que ça » et de ces enfants « aussi intelligents qu'en centre ville ». La positive attitude (tiens ! j'ai cru entendre un ministre et une chanteuse pour midinette chanter cela dernièrement…)
Quelques rires dans la salle, on commençait à comprendre.
Après la pause et le stand RETZ (qui ne faisait pas recette) était prévu un temps de questionnement (petits papiers déposés sur la table et soigneusement triés : un seul a été (é)lu : « Doit-on oublier l'EPS pour autant ? Bien sûr que non cher ami, faisons du sport… »
Et c'est alors qu'une jeune enseignante osa se mettre debout pour dire sa difficulté à faire dans sa classe de maternelle ce qu'elle avait vu faire dans une école d'application du centre ville et que « les objectifs c'était bien beau mais que ce n'était pas toujours possible, en tout cas moi j'ai du mal à en tenir compte, est-ce qu'il faut en tenir compte… »
M. C, chercheur, expert en pédagogie, à l'aide de son micro, coupa net la parole à la collègue, tourna en dérision l'interlocutrice, essayant de prendre à partie le public qui ne broncha pas (les enseignants « populaires » ne sont pas aussi dociles que les enseignants « bourgeois »…) et vira rouge de colère. Voyant cela, l'inspectrice en furie (une de ses élèves osait attaquer le vénéré Maître !) se leva pour incendier la collègue et exprimer une rage peu commune à l'encontre de ces enseignants qui ne sont jamais d'accords, qui ne savent que contester et qui feraient mieux de changer de métier. « Je passerai peut-être pour une vieille peau mais, tenez vous le pour dit, je ne lâcherai rien !!! »
Face à nous (comme à l'ancienne école ?) une maîtresse furibonde, un inspecteur sur sa chaire. Face à eux ce fameux public de ZEP, tellement indiscipliné, refusant d'entendre la bonne parole et dont on ne peut rien sortir, avec lequel on ne pourra jamais rien faire.
En tout cas, on a bien rigolé.
Le lendemain, au milieu des immeubles, on était au boulot.