Ed Erès, 2012, 26 €
Ce livre se présente sous la forme d'une discussion au long cours, mais au fil des mots, entre deux cliniciens des psychoses.
Autant Jean Oury que son questionneur, Patrick Faugeras, savent de quoi ils parlent.
Oury, créateur et fer de lance de la clinique de Laborde a tant et tant à raconter. Avec Oury, c'est de la pensée en marche, en train de se faire. On ne sait jamais où il va, mais on y va. On est bien loin des usines à gaz montées à grands renforts d'échafaudages théoriques qui cachent la façade, tels qu'on en échafaude dans les parlotes universitaires.
Ici la pensée jaillit de la clinique, une clinique du quotidien où théorie et pratique ne cessent de se percuter. N'oublions jamais que la psychanalyse exige une pensée en mouvement, sans cesse renouvelée, à hauteur de l'acte qui en amorce la lancée. A la logique de la psychose répond, mais d'un autre bord, de l'autre côté de la bande de Möbius, une logique de caoutchouc, une logique formalisée par des inventeurs tels Gödel, Pierce, Russel, ou encore mon ami le mathématicien Alexandre Grothendieck. Une logique qui n'est pas sans rigueur ni étrangeté, comme l'est la logique du psychotique.
C'est cette exigence que Jean Oury depuis des décennies porte à bout de bras, à partir d'une question structurale et topique, qu'il emprunte à François Tosquelles, que j'ai souvent entendue dans sa bouche, et que nul ne saurait balayer d'un revers de manche « Qu'est-ce que je fous là? ».