Ne rien dire que nous n'ayons fait, petite phrase lapidaire, emblématique de la PI, lancée par Fernand Oury dans les années 1960/70 et qui nous reste. Pourquoi choisir cette expression pour parler de "l'actualité de la pensée de Fernand Oury" ? Sans doute parce que, dans sa grande concision, elle parle de la pédagogie institutionnelle, simplement, mais avec une grande force.
Ne rien dire que nous n'ayons fait a exprimé, dès le départ, une méfiance à l'égard des prescripteurs/conseilleurs qui ne sont pas les payeurs : « Au « il faut » des théoriciens, nous préférons le « comment je fais » des praticiens », proférait Fernand Oury à longueur de stages.
Seul le travail dans la classe autorisait et légitimait la prise de parole « pédagogique » ainsi que les échanges entre praticiens embarqués dans le même navire (cf note 1). Toute parole non soutenue d'une pratique était considérée comme suspecte.
Un court texte du père Marcel Jousse, anthropologue renommé, que Fernand Oury affichait dans les stages, s'inscrit dans cette logique :
Il y en a trois qui font quelque chose.
Il y en a dix qui font des conférences
sur ce que font les trois.
Il y en a cent qui font des conférences
sur ce que disent les dix.
Il arrive parfois que l'un des cent vienne expliquer
La manière de faire à l'un des trois.
Alors l'un des trois intérieurement s'exaspère
Et extérieurement sourit.
Mais il se tait
Car il n'a pas l'habitude de la parole.
D'ailleurs il a quelque chose à faire.
Lire ce texte aujourd'hui, et en ce lieu, relève du paradoxe.
Dans sa logique première, le slogan est un remarquable garde fou contre ceux que Fernand Oury appelait les psycho-pompeurs, ceux qui se nourrissent du travail des autres.
Cette dénonciation alla jusqu'à englober, dans une version radicale, « les universitaires ». Dans les années 60/70, l'appellation « Pédagogie Institutionnelle » était, en effet, récupérée au sein de l'université, - mais pas seulement -, par une conception autogestionnaire de la classe non directive (cf note 2).
Fernand Oury exhortait alors les instituteurs à prendre la parole à partir de leur pratique (cf note 3). Pour prendre la mesure de ce positionnement, il n'est que de rappeler ici le contenu de ce qui s'affichait alors dans les stages :
Ceux qui écrivent
|
Ceux qui n'écrivent pas
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ceux qui savent ce qu'il faut dire, | ceux qui n'ont rien à dire, |
ceux qui ont la parole, | ceux qui ne savent pas ce qu'il faut dire, |
ceux qui savent | ceux qui ont besoin d'apprendre, |
les écrivains, les scribes, | qui ne savent pas comment dire, |
les chefs, | ceux qui feraient des fôtes, |
les penseurs, | ménagères, ouvriers, paysans, |
les autres, | techniciens, immigrés, enfants |
les maîtres |
la piétaille vous !
|
« En vue rénovation méthodes ayant fait leurs preuves, ON recherche PRATICIENS NOVATEURS COMPETENTS ET DEVOUES
« Modeste praticien » en proie aux réalités, tu innoves pour survivre,
« ingénieux et dévoué », tu as su te procurer du matériel, tu as essayé, mis au point des techniques Mais, ce que tu as trouvé appartient à la science.
Que les travailleurs travaillent,
Les chercheurs cherchent,
Les penseurs pensent !
Tes idées « sans valeur », tes travaux sans aucun « caractère scientifique » seront repris, remaniés, commentés, dénaturés et publiés sans ton accord par tes supérieurs, car il ne t'appartient pas de rédiger les thèses, ou les instructions officielles qui seront assénées à tes camarades. »
« AVANT d'apporter à la ruche des sciences humaines ton miel et tes documents personnels,
AVANT d'accueillir le CORMORAN QUI VIENT PÊCHER pour son maître,
AVANT de rédiger des textes que la modestie de ton état t'interdit de signer,
AVANT de laisser « exploiter » sans contrôle les œuvres enfantines,
REFLECHIS : QUI travaille ? POUR qui ? QUI sera diplômé ? payé ? édité ?
REFUSE « l'exploitation » de ton travail par les chercheurs de praticiens. »
« Le fin du fin du fascisme : donner la parole pour faire taire. Apprendre aux futurs travailleurs, entraîner les actuels travailleurs
à obéir au sifflet,
à lire les textes judicieusement choisis (par qui ?)
à dire bien ce qu'il faut,
à écrire sous la dictée ce qu'il faut,
à bien penser comme il faut,
à s'exprimer, bavarder, jacasser, répéter,
à s'interroger en cadence, geindre, grogner, mugir, rugir, exiger
SI les enfants
SI les ouvriers
SI les praticiens se mettent à écrire n'importe comment !.. ce qu'ils veulent !..
QU'ALLONS-NOUS DEVENIR ? »
Ne rien dire que nous n'ayons fait.
Ce slogan nous parle-t-il encore ? Est-il tenable aujourd'hui sans que nous soyons contraints d'abandonner la bonne distance entre l'allégeance confortable aux penseurs pédagogues, et la rupture dogmatique.
En jouant avec les mots, on pourrait d'ailleurs retourner la formule : « Ne rien faire que nous n'ayons dit. », et n'est-il pas également légitime de subordonner le faire à une réflexion préalable ?
Reprenons les termes : le dire, le faire, et le nous qui fait lien.
Pour dénouer l'affaire, peut-être n'est-il pas inutile de faire jouer la dialectique qui oppose les deux formules : le faire et le dire, le dire et le faire, l'un successeur de l'autre en même temps qu'il le précède. On débouche alors sur la notion de praxis.
On peut, certes, entendre la P.I. comme l'application d'un corpus de connaissances, - pratiques et théories -, qui existerait dans des livres ou que détiendraient des personnes savantes. Ce corpus y serait décrit précisément et il suffirait de l'appliquer pour en être quitte. Ce n'est pas si simple. La P.I. ne propose pas, clé en main, un ensemble de solutions pour tous les problèmes rencontrés dans l'école d'hier ou d'aujourd'hui, celui de la violence par exemple, ou encore, celui de la motivation des élèves.
Les praticiens font bien autre chose que d'appliquer des recettes. Ils ne sont pas des pratiquants.
François Tosquelles évoquait pour sa part le concept de praxis en ces termes (cf note 4) : « La praxis n'est pas une pratique. Il ne faut pas se leurrer à ce sujet. La praxis est l'élaboration collective, dans un groupe, des pratiques vécues dans le quotidien. »
Dans cette perspective, la P.I. est une conception de la classe qui continue de s'inventer à mesure qu'elle est travaillée et qu'elle travaille ceux qui s'y risquent. Ces derniers la mettent en pratique, suivant le chemin ouvert par leurs aînés, mais aussi l'inventent, la réinventent et continuent de l'écrire au jour le jour, dans leurs classes. Ils en constatent les effets, en sont parfois surpris et cherchent, avec d'autres qui tentent le même pari, à comprendre en quoi la classe institutrice est productrice d'évolutions parfois spectaculaires chez les enfants et les adolescents - mais aussi chez leurs maîtres - comme de progrès individuels et singuliers sur le plan scolaire.
C'est dans la classe de perfectionnement de Fernand Oury, du côté de Nanterre, que tout a commencé, ancrage primitif. Mais très vite discussions, débats et transpositions ont amené la P.I. à s'élaborer sur d'autres terrains, ceux des classes ordinaires du primaire puis du secondaire (cf note 5), chez les éducateurs ou les animateurs/responsables de formation ou d'équipes d'adultes, chez tous ceux pour qui les mêmes questions insistent parce que le terrain ne cesse de résister, de ne pas être comme on aimerait qu'il soit parce que l'autre est rarement là où on souhaiterait le mettre.
Et c'est peut-être alors le « nous » qui devient important : ne rien dire que nous n'ayons fait, mais aussi ne rien faire dont nous n'ayons parlé ensemble, entre adultes : commencer à travailler ce qui professionnellement nous travaille, quelle que soit notre attache professionnelle (cf note 6).
La P.I. devient une construction et un objet partagé. Le slogan traduit alors l'engagement des membres d'une équipe pour un travail sérieux entre adultes, les mains dans le cambouis. « Ne rien dire que nous n'ayons fait » pour qu'y prenne appui le faire à venir. Tout cela se développe dans le temps : on se met donc au travail entre adultes, mais pas n'importe comment, car rien n'est accessible dans l'immédiateté.
La pédagogie institutionnelle n'est pas une pédagogie de plus, si « nouvelle », si « active » soit-elle. La P.I. comme praxis, met en évidence l'incessante « remise en questions » - « questions » au pluriel - et l'analyse du dispositif institutionnalisé mis en place dans le but d'agir en direction d'autres supposés plus fragiles.
Le triptyque des principes fondateurs de la Pédagogie Institutionnelle (cf note 7) n'agit pas miraculeusement sur la réussite des apprentissages. Si le dispositif se soustrait à la recherche de ce qui y opère et de ce qui y dysfonctionne forcément (car si ça ne dysfonctionne pas, il y a du souci à se faire), il restera l'objet imaginaire du maître, propre à satisfaire sa jouissance et l'élève aura (une fois encore) la charge de satisfaire le désir du maître d'être un bon enseignant, ce qui ne lui facilitera pas nécessairement l'accès à son désir, à lui, d'apprendre.
Entendons ce qu'écrit à ce sujet Irène Laborde :
Histoire de Nathalie
Et je pense à une petite Nathalie qui à la fin du CM2 était ceinture marron dans cette classe que j'avais suivie deux ans durant. Elle était très bonne élève depuis son entrée à l'école élémentaire, ne posait aucun problème tant sur le plan des apprentissages que du comportement social dans la classe. Appréciée de ses camarades, aimant beaucoup l'école, ses institutrices, les exercices scolaires, elle avait jusqu'au CM1 suivi des classes très traditionnelles et s'en était trouvée apparemment très bien. Arrivée dans une classe institutionnelle, elle avait sans doute été un peu désarçonnée mais elle s'était adaptée et elle jouait à fond « le jeu des institutions », elle s'enthousiasmait pour tous les projets (journal, correspondance, voyages, productions). « Bonne » élève dans une classe ordinaire, « bonne » élève dans une classe P.IPourtant cette fillette m'interrogeait. Trop docile, trop partante pour tout, responsabilités, ceintures, institutions, L'élève « idéale ». Que moi je trouvais dépendante. Car je pressentais qu'elle se « pliait » aux pratiques de la classe institutionnelle comme elle s'était pliée aux pratiques de ses institutrices traditionnelles. Et moi, jamais contente , je ne pouvais pas m'empêcher de penser que c'était « pour me plaire ». Dans la dépendance encore en quelque sorte. La P.I. semblait lui glisser dessus comme l'eau sur les plumes d'un canard. Quelques années plus tard, je l'ai rencontrée dans un supermarché. Toujours aussi souriante, aimable, sympathique. Elle était en seconde et réussissait bien sa scolarité. Contente de ses profs, de son lycée. Conforme. Formée, mise en forme. Et j'y pense encore en me demandant quelle adulte elle est, quelle est sa vie. Avec cette petite fille qui doit avoir maintenant plus de 30 ans, beaucoup de mes interrogations quant à la P.I., s'incarnent (en partie).
Parfois, l'interrogation est plus spectaculaire parce que portée par l'urgence.
Car, évidemment, ça rate puisque la dimension inconsciente s'invite. Elle infiltre ainsi le projet - explicite - du maître et son désir (plus obscur, moins lisible) d'enseigner sans nuire (ou en nuisant le moins possible), ainsi que le comportement de chacun des élèves arrivant en classe avec son histoire familiale, ses problématiques affectives, ses rêves et son environnement social.
Or il n'existe pas de prêt-à-porter pour la pratique de la P.I., seulement quelques grands patrons de base comme on dit en couture. Alors le travail de reprise devient nécessaire. Un travail qui relève parfois du raccommodage patient, minutieux où la parole et les échanges sont les outils de cette incontournable et incessante tâche d'accommodation (comme on dit pour le regard) du lieu institutionnalisé que devient peu à peu la classe, au fur et à mesure de l'apparition des difficultés liées au travail coopératif.
Le « Ne rien dire que nous n'ayons fait » de Fernand Oury devient une invitation à promouvoir un dispositif à la fois de travail en commun et de formation, dans lequel le praticien de la P.I., avec d'autres, s'essaiera à l'impossible métier, celui d'enseigner en essayant d'en déjouer, autant que faire se peut, les entraves, y compris les siennes propres.
Ce travail de reprise peut s'effectuer de plusieurs manières qui ne s'excluent pas les unes les autres. Trois approches sont proposées : les équipes/groupes de travail, l'écriture monographique et les stages.
1 - Les équipes de P.I illustrent le « Ne restez pas seuls » cher à Fernand Oury.
C'est ce travail d'élaboration collective de la pratique par l'analyse des dysfonctionnements, aléas, souffrances, ratages, qui va hisser la pratique de la P.I. à hauteur d'une praxis.
Dans ces groupes, les échanges entre praticiens tentant les mêmes paris et se risquant aux mêmes pratiques, ne peuvent s'accommoder du modèle formateur/formé dès lors que, comme dans la classe institutionnelle, la loi de la coopération est acceptée comme règle du travail entre adultes.
Mais le « Ne restez pas seuls » concerne également ces équipes qui peuvent, à un deuxième niveau, s'institutionnaliser en collectif (cf note 8).
2- L'écriture monographique ; cette écriture se développe dans le temps.
D'abord, je raconte, j'inscris la pratique, je lui donne une structure, celle de la narration. En cela, je la démarque du non dit et de l'inénarrable. Elle rejoint ainsi, par le récit, mon histoire, mais aussi l'histoire des hommes. Je l'inscris dans le temps. C'est déjà beaucoup.
Mais ce n'est pas suffisant. Le récit est là, objectivé et cependant je n'en saisis pas grand-chose. Il faut sans doute encore du temps. Il faut peut-être aussi qu'il soit donné à lire à d'autres qui l'éclaireront par les retours, des rebonds comme on dit en P.I. Il y a donc ensuite l'écriture pour se relier et pour partager.
Je donne à lire mon récit. Je le donne à entendre aussi.
Je romps ainsi la solitude de la dualité entre moi et le moi de l'écriture, je triangule. Un tiers va s'interposer. Et cette lecture est appelée à faire coupure. Pas facile, car il s'agit-là d'une séparation. Mon récit devient un écrit. Tel est le prix à payer pour qu'il advienne en tant que tel.
Je donne à lire, mais l'autre donne à lire lui aussi, ni voyeur, ni prédateur, pas plus que moi, je ne suis exhibitionniste ou proie. Il faut qu'il réagisse, qu'il me fasse part de sa lecture pour que mon récit puisse être re-pris et se dépasser. Ainsi commence et se poursuit un processus de déplacement et de feuilletage permettant parfois de mettre à jour quelques enjeux forts qui sans lui seraient restés masqués.
Le travail d'écriture monographique met en scène et (re)présente une histoire vivante sous forme de récit, ce qui permet de s'identifier avec les "héros" et donc de faire apparaître ce qui se joue dans ce récit (et les concepts empruntés au champ analytique sont souvent fort utiles). Passage répété entre l'action en situation et les registres de la représentation, ce travail d'élaboration - "sublimation" rompt avec le mode discursif du "pour ou contre".
La monographie est l'écriture singulière de la PI.
3 - La situation de stage
Qu'ils soient de découverte (des techniques pour la classe), d'initiation, d'entraînement ou de perfectionnement à la P.I., les stages représentent des espaces-temps expressément institutionnalisés sur le modèle de la coupure entre le maître (qui sait) et l'élève (qui a à apprendre), pour faire vivre - et vivre - au cœur même du processus, afin d'éprouver soi-même et sur soi-même ce que les élèves auront à vivre et à faire vivre dans la classe (cf note 9).
C'est ainsi que se décline ou se conjugue, pour nous, Ceépi, cette phrase, en rien anodine, qui nous paraît comme l'un des fers de lance de la pratique de la PI.
La pensée de Fernand Oury "fait le furet" : elle est passée par celui-ci, elle repassera par celle-la qui sait par qui elle lui a été « passée » et qui l'a éprouvée (au sens de « mise à l'épreuve de la réalité du métier »).
L'oeuvre de Fernand Oury n'a pas à être reproduite à l'identique, momifiée, mais parce qu'elle est bousculée, interrogée, dépassée, paradoxalement, elle s'actualise dès lors qu'il y en a au moins trois qui font quelque chose sur 3 scènes simultanées :
Une question se pose pourtant : les praticiens de la PI ne sont-ils pas parfois victimes de "mono-manie", soucieux qu'ils paraissent de démontrer que la PI qu'ils pratiquent est thérapeutique - bons maîtres qu'ils sont ! - avant d'être une modalité de facilitation d'accès des élèves aux savoirs. Fascination envers les fondateurs ? Exemple de la prégnance de leur discours auréolé de l'aura psychanalytique ?
Alors ? Le temps n'est-il pas venu que les groupes et les mouvements se réclamant de la PI mettent en chantier, en interne et donc entre eux, ce travail de dés-adhérence, de déprise de la fascination et de la suggestion et s'efforcent de prendre appui, pour réfléchir, s'organiser, travailler, sur l'analyse du transfert plutôt que sur l'admiration ? Que Fernand Oury ait pu dire à telle ou telle occasion que le seul transfert qui nous apprenait quelque chose était le transfert négatif, aurait, à soi seul, de quoi nous faire réfléchir. Formidable paradoxe que de travailler l'autonomie subjective dans ces collectifs qui se veulent lien et soutien.
La PI le mérite puisqu'elle s'y fonde, et ce serait le meilleur hommage que nous puissions rendre à Fernand OURY.
NOTES
1 Ou sur le même radeau en reprenant la métaphore de Fernand Deligny.
2 Quelques mois après le livre de Michel Lobrot La pédagogie institutionnelle, Aïda Vasquez et Fernand Oury publieront Vers une pédagogie institutionnelle ? (Maspéro puis réédition Matrice). Le changement d'article n'est pas seulement un effet de style. Au défini/définitif succède l'indéfini/indéfinitif qui ouvre un chantier toujours actif depuis 50 ans. La polémique porte sur la nécessaire analyse de l'aliénation politique et psychopathologique.
3 Au début de De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle, dans Mémoire d'un âne, Fernand Oury parle ainsi de lui-même, avant son engagement : « Petit chien de garde, je suis condamné à répéter et à faire répéter la Voix de mes maîtres ».
4 In Education et Psychothérapie institutionnelle, Tosquelles, 1984 Maspéro puis Matrice, p11.
5 Le Collectif Européen des Equipes de Pédagogie Institutionnelle (CEEPI) a posé dès le départ le secondaire comme champ privilégié de son action.
6 Travailler ce qui professionnellement nous travaille, proposition ouverte qui ne définit pas un terrain particulier.
7 Le triptyque : les techniques, le groupe, l'inconscient. Mais aussi la loi de l'échange coopératif dans le groupe, principe premier de l'organisation de l'apprentissage. La coopérative qui n'est pas une technique parmi d'autres, est un parti pris qui donne sens, dimension politique, au vivre ensemble comme on dit maintenant, un peu rapidement.
La prise en compte de l'inconscient, c'est aussi le travail difficile d'appropriation des concepts analytiques poursuivi par exemple dans ces groupes.
Les techniques Freinet comme "voies royales" d'accès aux apprentissages et au(x) savoir(s). Voir la recherche de l'équipe Théodile, de l'Université de Lille 3, dirigée par Yves Reuter, et rapportée dans le livre Une école freinet. Fonctionnements et effets d'une pédagogie alternative en milieu populaire (L'Harmattant 2007), travail qui montre et actualise définitivement, en attendant une autre recherche, ce que Fernand Oury disait déjà il y a 50ans, « dans ces classes là, on n'apprend pas aussi bien, on apprend mieux ».
Le groupe et ses phénomènes, travaillé par les trois premiers engagements.
8 C'est ce qui se tente depuis 1978 au CEEPI. C'est ce qui se trame, plus précisément, depuis 1995-1996 dans le Collectif isérois. Cette année encore, pour la quatorzième année scolaire, une quarantaine d'enseignants essentiellement de l'école primaire (élémentaire et maternelle) travaillent leurs pratiques en collectif.
Un atelier s'est tenu pendant le colloque, qui a raconté cette histoire qui dure parce que la volonté de travailler la pratique de la classe institutrice s'est déployée dans un groupe qui peu à peu, au fur et à mesure des difficultés, des projets, s'est institutionnalisé en mettant en œuvre entre adultes les outils de la P.I. : journal (un bulletin intérieur 6 fois par an comme lieu d'échange, d'élaboration de la pratique, des outils et expériences) ; regroupements institués dans un calendrier (6 Rencontres de St Vérand entre septembre et juin), un conseil annuel, des institutions comme des ceintures de cheminement vers la P.I., une monnaie intérieure, l'organisation de 3 marchés par an, de la correspondance avec des groupes de P.I. de Belgique et de Toulouse, l'élaboration coopérative d'outils pour la classe, des productions, des publications etc. (voir le site www.ceepi.org région Isère)
Formidable actualisation du slogan ne rien dire que nous n'ayons fait, ne rien faire que nous n'ayons dit.
9 Le stage est basé sur la distinction responsables/stagiaires mais est traversé par l'interrogation sur les effets de formation. Et cette question ne concerne pas seulement les stagiaires. Un groupe de praticiens inscrits depuis longtemps dans la PI peut ainsi travailler en parallèle à un stage. Les échanges institués entre les participants des deux dispositifs, sur des objets communs (une technique de classe particulière ou l'histoire de la PI) provoqueront des rencontres qui risquent de subvertir le schéma simpliste des anciens qui « apprennent » aux petits jeunes. Dispositif qui interroge les positions de formateur/formé, comme sur un tatami quand des ceintures noires combattent avec des ceintures orange.
10 Suivant le beau titre du livre de Noëlle De Smet (Au front des classes, éditions Talus d'approche, Belgique, 2005).
11 Ces stages qui curieusement, jusqu'à là, n'ont donné lieu à aucune élaboration spécifique par les équipes qui les actualisent en France depuis des dizaines d'années, comme s'ils allaient de soi, comme si un des enjeux majeurs de la PI n'était pas la formation de praticiens adultes, capables, quotidiennement, de ne pas céder sur l'essentiel et de faire face aux situations d'aujourd'hui.