« Il y a dans l'homme une vie affective sans conscience, c'est-à-dire sans attribution au moi. (…)
La sensation, réputée simple depuis Locke, se résout (…) en deux parties : l'une qui affecte sans représenter, l'autre qui représente sans affecter. (…) Outre les éléments affectifs compris dans chacun de nos sens externes, il y a aussi en nous un état affectif général qui précède toutes les modifications causées par les impressions quelles qu'elles soient, externes ou internes ; et cet état, selon les modifications qu'il reçoit, devient agréable ou pénible et détermine des mouvements de réaction en conséquence (…). Certes, ces états affectifs enveloppent un sentiment immédiat d'eux-mêmes, et à ce titre ils ne sont pas purement organiques. Mais il y aurait un abus de langage à les déclarer proprement conscients, alors que la conscience suppose la distinction du sujet et de l'objet et que dans ces états sujet et objet sont confondus » (Delbos, Victor, La philosophie française. Paris : Plon, 1919 : 313-4).
« Dans le domaine de la psychanalyse le musement n'est pas sans rapport avec l' "association libre". Pour une part, tel que nous le concevons, il peut prendre la forme de ce genre de pensée auquel nous n'avons accès que lorsqu'un événement impromptu, discordant, nous le révèle. "Tiens, j'étais en train de penser…"(…) Ce type de musement, premier, ne nous est pas directement accessible puisqu'alors que nous musions, aucune conscience ne nous en était donnée. Il se présente à nous comme l'hypothèse pure, le pur possible, une promenade dans l'Univers original, l'instant indéfiniment présent que l'actualité ou l'actualisation détruit irrémédiablement en lui fournissant un temps du passé. Dans sa plus haute activité, le musement construit, échafaude ce genre d'idées qui peut-être passera ou ne passera pas la barrière de l'expression sans s'évanouir tout à fait, mais dont l'évidence de la présence atteste la réalité.
(…) un des plus beaux exemples du musement nous est donné par le fameux passage du Conte du Graal où Perceval (Chrétien de Troyes 1990 : 131sq) "muse" sur trois gouttes de sang se détachant sur la neige qui lui rappellent la joue blanche et colorée de sa mie :
Percevax sor les gotes muse
tote la matinee et use
tant que hors des tantes issirent
escuier qui muser le virent
et cuiderent qu'il somellast. (v. 4189/93) »
(Le Musement, de Peirce à Lacan, Michel Balat, Revue Internationale de Philosophie, Vol. 46, N°180, 01/92)
http://www.balat.fr/Le-Musement-de-Peirce-a-Lacan.html